La purification des Cœurs
Par l’Imâm ‘Abd Al-Qâdir Al-Jîlânî
Sur les choses indispensables au croyant
Chaque croyant doit avoir trois choses dans toutes les circonstances de sa vie :
- Un ordre auquel il se conforme,
- Un interdit qu'il doit éviter et
- Une mesure dont il se satisfait.
La vie du croyant n'est jamais dénuée d'une de ces trois choses.
Aussi doit-il faire le souci de son cœur, se les rappeler sans cesse et se les appliquer dans toutes les circonstances de sa vie.
Sur l’encouragement mutuel au bien ;
Suivez et n'innovez pas dans la religion ;
Obéissez et ne vous écartez pas de la voie droite ;
Témoignez de l'unicité et n'associez en rien à Dieu ;
Exemptez Dieu de tout défaut et ne Lui attribuez pas ce qui ne Lui sied pas ;
Ajoutez foi et ne doutez pas ;
Patientez et ne vous inquiétez pas ;
Restez fermes et ne vous détournez pas ;
Demandez et ne vous lassez pas ;
Attendez, scrutez et ne désespérez pas ;
Soyez frères et ne vous témoignez pas de l'animosité ;
Rassemblez-vous dans l'obéissance et ne vous divisez pas ;
Aimez-vous et ne vous haïssez pas ;
Purifiez-vous des péchés et ne les laissez pas vous souiller et embellissez-vous avec l'obéissance à votre Seigneur.
Ne quittez pas la porte de votre Seigneur ;
Ne vous détournez pas de votre Seigneur ;
Ne tergiversez pas dans votre repentir ;
Ne vous lassez pas d'invoquer votre Seigneur au milieu de la nuit et dans les parties du jour ;
Peut-être obtiendrez-vous la miséricorde et la félicité, que vous serez éloignés du Feu, que vous jouirez du Paradis, que vous arriverez à Dieu, que vous obtiendrez la félicité éternelle et la compagnie des vierges dans la maison de la paix, que vous jouirez de la présence des houris, des divers parfums et de la voix des chanteuses, et que vous serez élevés vers les degrés des prophètes, des véridiques, des martyrs et des saints .
Sur l’épreuve
Lorsque le serviteur rencontre une épreuve, il commence par vouloir la surmonter par ses propres forces. S'il n'y parvient pas, il cherche alors l'aide des créatures: les sultans, les hommes du pouvoir, les gens de ce bas monde, les riches, ou bien les médecins lorsqu'il s'agit de maladies.
Et si cette tentative ne résout toujours rien, alors il se tourne vers son Seigneur par la prière de demande, l'humble supplique et la louange.
Ainsi, tant qu'il se sent capable de triompher par lui-même des obstacles, il ne se tourne pas vers les créatures ; et tant qu'il trouve assistance auprès d'autrui, il ne s'oriente pas vers le Créateur. Mais après cette dernière tentative, même s'il ne trouve pas de réponse auprès du Créateur, voilà qu'il se jette à Ses pieds dans un abandon total. Il persiste dans la demande et la louange, reconnaissant pleinement son impuissance et son indigence, avec à la fois, crainte et espoir.
A ce moment là, le Créateur lui ôte la force même d'implorer, refuse de lui répondre, afin de l'amener finalement à se détacher de toutes les causes secondes et moyens habituels. Lorsque ce renoncement est accompli, le Créateur exécute Son Décret et manifeste Son Acte en lui. Le serviteur s'anéantit par rapport à tous les moyens et mouvements propres et demeure comme un pur Esprit (ruh). Il ne voit rien d'autre que l'Acte d'Allâh atteint la certitude dans le Tawhid ; attestant qu'il n'y a nécessairement point d'agent, en réalité, sinon Allâh.
Point d'incitateurs au mouvement ou au repos, point de mal ni de bien, ni de préjudice ni de bienfait, ni de don ni de refus, ni d'ouverture ni de fermeture, ni de mort ni de vie, ni d'honneur ni d'humiliation, qui ne soient dans la Main (le Pouvoir) d'Allâh. Il devient alors par rapport au destin comme le nourrisson entre les mains de la nourrice ou comme le mort entre les mains du laveur de morts, ou encore comme la balle sous les coups du maillet du joueur de Polo.
Il se trouve retourné, déplacé, modifié, démuni de toute cause motrice que celle-ci soit sienne ou provienne d'autrui. Absent de lui-même, il est entièrement englouti dans l'Acte de Son Seigneur (Mawlâ). Il ne perçoit plus que Son Maître et Son Acte, ne reconnaissant nul autre dans tout ce qu'il voit, entend ou connaît.
Ce sont Ses paroles qu'il entend. C'est par Sa science qu'il sait, par Son Bienfait qu'il se délecte, par Sa proximité qu'il est heureux, par Son rapprochement qu'il s'embellit et s'ennoblit. Par Sa Promesse il est apaisé et rassuré. Par Son discours, sa solitude se dissipe. De tout autre que Lui, il se désintéresse, et éprouve répulsion. Il se réfugie avec assurance dans Son Evocation d'Allâh (Dhikr). En Lui seul, il place sa confiance et à Lui seul il s'en remet totalement. Il s'éclaire à la lumière de Sa connaissance, et s'en revêt comme d'un habit. Il découvre les merveilles Ses sciences et est élevé à la dignité propre à la connaissance des secrets de Ses décrets.
C'est à partir de Lui qu'il entend et prend conscience; puis il loue et remercie pour ce privilège et adresse des prières (dou’a).
Sur la Mort abstraite
Lorsque tu te détacheras totalement des créatures, il te sera dit : « Qu’Allâh t'accorde Sa miséricorde et te sépare définitivement de tes passions. »
Et lorsque tu te détacheras totalement de tes passions, il te sera dit : « Qu’Allâh t'accorde Sa miséricorde et te détache totalement de ta volonté et ton désir. »
Et lorsque tu te détacheras totalement de ta propre volonté, il te sera dit: « Qu’Allâh t'accorde Sa miséricorde et te fasse vivre une vie sans fin, qu'Il t'accorde une richesse qui ne connaîtra aucune pauvreté, un don qui ne connaîtra aucune privation, un repos qui ne connaîtra plus de peine, un bienfait qui ne connaîtra plus d'infortune, une science qui ne connaîtra plus d'ignorance, une sécurité qui ne connaîtra plus de crainte. »
Tu seras réjoui et tu ne connaîtras plus de malheur ; tu seras puissant et tu ne seras plus avili ; tu seras élevé et tu ne seras plus rabaissé ; tu seras respecté et plus jamais méprisé ; tu seras purifié et plus jamais souillé.
Tout cela pour que se réalisent en toi les aspirations et pour que s'accomplissent en toi les Paroles .
Tu seras comme le soufre rouge et tu seras presque invisible ; tu seras puissant et tu n'auras pas d'égal ; tu seras unique et tu n'auras pas de partenaire ; tu seras incomparable et tu n'auras d'affinité avec quiconque ; unique pour unique, impair pour impair, invisible de l'invisible et secret du secret.
Dés lors, tu deviendras l'héritier de tout prophète, homme véridique et messager. C'est en lui que se complétera la sainteté (wilâya), vers toi que se dirigeront les saints substituts (abdâl), grâce à toi que se dissiperont les malheurs, que descendront les pluies et que pousseront les cultures ; c'est grâce à toi que seront repoussés les torts et les épreuves de l'individu et du groupe, du dirigeant et des dirigés, des imams et de la communauté.
Tu seras l'énergie du pays et les gens ; les gens viendront vers toi en marchant et ils te solliciteront avec humilité, offriront dons et travail à ton service, avec la permission du Créateur de toute chose, et en toutes circonstances.
Tu seras l'objet des éloges et des bonnes appréciations des gens, et il n'y aura pas deux personnes parmi les gens de foi pour diverger à ton sujet, toi, le meilleur de ceux qui ont habité les campagnes et erré à travers elles :
« C'est là la faveur de Dieu qu'Il donne à qui Il veut. Dieu est Celui qui possède les immenses faveurs »
(Sourate 62, verset 4).
Sur la réalité de ce bas-monde et sur l’incitation à s’en détourner
Lorsque tu vois ce bas monde dans les mains de ses maitres, avec ses atours, ses vanités sa tromperie, ses pièges et ses poisons mortels, avec la douceur de son aspect extérieur, la voracité de son aspect intérieur, la vitesse de sa ruine, son égarement de ceux qui se laissent tromper et induire en erreur par lui et négligent son caractère chimérique, fais comme si tu viens de voir un homme, dans les toilettes en train de faire ses besoins, les parties intimes découvertes, et dégageant une mauvaise odeur.
Nul doute qu'en le voyant, tu détourneras les yeux de ses parties intimes et tu te boucheras le nez pour ne pas sentir sa mauvaise odeur.
C'est ainsi que tu dois faire avec ce bas monde. Lorsque tu le vois, détourne tes yeux de ses atours et bouche ton nez pour ne pas sentir la mauvaise odeur que dégagent ses plaisirs et ses passions.
Tu seras épargné de ses méfaits et de ses épreuves, et ta part t'arrivera, alors que tu seras dans la quiétude.
Le très-Haut a dit à Son élu :
« Ne tourne pas tes yeux vers ce que Nous leur avons donné, pour jouissance, comme épouses, splendeur de ce bas monde, car par elles, Nous les mettons à l'épreuve. Les ressources de ton Seigneur sont meilleures et plus durables. »
(Coran, 20/131).
Sur le fait de détester pour Allâh
Si tu trouves, dans ton cœur, de l'animosité ou de l'amour pour quelqu'un, confronte ses œuvres au Coran et à la Sunna.
Si tu constates qu'elles sont détestées du Coran et de la Sunna, réjouis-toi alors de ta conformité à la volonté de Dieu et de Son messager.
Mais si ses œuvres sont aimées du Coran et de la Sunna, et que toi, tu le détestes, sache que tu es un homme qui suit ses passions, et que tu le détestes par tes passions.
Par conséquence, tu es injuste à son égard et désobéissant à Dieu et à Son messager, en porte-à-faux avec eux.
Repens-toi donc à Dieu de ton animosité, et demande-Lui qu'Il t'accorde l'amour de cet homme d'autres parmi Ses bien-aimés, Ses saints, Ses élus et les vertueux d'entre Ses serviteurs, afin que tu sois en conformité avec ton Seigneur.
Procède de la même façon avec celui que tu aimes, c'est-à-dire en confrontant ses œuvres au Coran et à la Sunna.
Si ses œuvres sont aimées du Coran et de la Sunna, aime-le. Par contre, si elles sont détestées, déteste-le afin de ne pas l'aimer avec tes passions.
Or, tu as été sommé de te mettre en porte-à-faux avec tes passions.
Le Très-Haut a dit en effet:
« Ne suis pas ta passion, elle t'égarerait loin du chemin d’Allâh »
(Sourate 38, verset 26)
Sur la sincérité et la loyauté
Celui qui se comporte avec son Seigneur avec sincérité et loyauté, sera dans la morosité, nuit et jour, par rapport à tout ce qui n'est pas Lui.
Ô gens, ne revendiquez pas ce qui ne vous appartient pas !
Témoignez de l'unicité de Dieu et ne Lui associez rien !
Par Dieu, les flèches du destin vous toucheront pour vous blesser et non pour vous tuer !
Celui qui est mort pour Dieu, Dieu Se chargera de sa compensation.
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L’Imam Adh-Dhahabi dit: « Le Shaykh ‘Abd Al-Qâdir (Al-Jîlânî), le Sheikh, l’imâm, le savant, le zâhid (ascète), le connaissant, le modèle, le Shaykh de l’Islâm, l’emblème des awliyâ (saints), le hanbalite, le Shaykh de Bagdad. Je dis qu’il n’en est aucun parmi les grands Shaykhs qui ait plus d’états spirituels et de prodiges (karâmat) que le Shaykh ‘Abd Al-Qâdir, mais beaucoup de ces miracles ne sont pas véridiques et beaucoup de ces choses sont impossibles ».
( Source : Siyar A’lâm An-Nubalâ)
L’Imam Ibn Taymiyah dit de lui : « Shaykh `Abd Al-Qâdir Al-Jilânî, que Dieu lui fasse miséricorde, ainsi que ses semblables, sont parmi les plus illustres shaykhs de leur époque, ordonnant le strict respect du shar’ (législation islamique), des Ordres [Divins] et des interdits, en leur donnant la prééminence sur le goût (dhawq) et la fatalité. Il est du nombre des plus illustres shaykhs qui enjoignaient à abandonner la passion, la volonté propre. […] Il ordonne au sâlik (cheminant dans la voie de Dieu) de ne pas avoir de volonté propre à la base, pour vouloir ce que Dieu Exalté Soit-Il veut ».
(Source : Majmû` Fatâwâ volume 10, p. 488-489.)