S’accrocher à la Sounna parmi la masse des musulmans
« J’hésitais donc entre le fait de suivre la Sounna et par conséquent diverger des habitudes de la majorité des gens, et ainsi vivre les mêmes problèmes que ceux qui, de tout temps, ont contredit les coutumes établies - surtout si cette majorité prétend que ces coutumes sont la Sounna et rien d’autre - mais alors il m’aurait fallu supporter un poids écrasant... mais pourtant quelle récompense m’attendrait auprès d’Allah !
Et entre le fait de suivre la masse et par conséquent diverger de la Sounna et des pieux prédecesseurs (Salaf Sâlih) et m’introduire dans l’enceinte de l’égarement (qu’Allah me protège de cela). Cependant, je serais en accord avec les coutumes, et on me considèrerait comme un ami, non comme un ennemi.
Je me rendis alors compte que périr en suivant la Sounna était la vraie délivrance, et que les gens ne me seraient d’aucune utilité auprès d’Allah. Je me mis donc à appliquer la Sounna par étapes dans certaines choses... et c’est alors qu’on aurait cru que la fin des temps était arrivée ! Les critiques se multiplièrent à mon égard, les flèches de la calomnie me furent adressées, on m’affilia à l’innovation et l’égarement et je fus classé parmi les idiots et les ignorants ! [...]
On dénigra la voie que j’avais choisie d’une façon que tout coeur réprouve, et on me classa parmi certaines sectes étrangères à la Sounna.. témoignage qui sera écrit [NdT : par les anges scribes. ] et dont ils auront à répondre le jour du jugement. On m’accusa une fois d’avoir affirmé que les invocations ne présentaient aucun bénéfice et n’étaient d’aucune utilité - comme certains le prétendent à mon sujet - en raison du fait que je ne pratiquais pas l’invocation collective à la fin de chaque prière en tant qu’Imâm. Et la contradiction de cet acte avec la Sounna et les pieux prédécesseurs (Salaf Sâlih) sera clarifiée plus loin.
On m’accusa aussi de Rafd [NdT : relatif au Chiisme Imâmites.] et de haine pour les Compagnons (qu’Allah les agrée), en raison du fait que je n’invoquais pas Allah pour les Califes Bien Guidés dans le Sermon du Vendredi en particulier, car cela n’était pas l’habitude des Salaf dans leurs sermons, et aucun des savants reconnus ne l’a cité dans ses sermons. [...]
On m’accusa aussi de permettre la révolte contre les gouvernants, et cela pour la simple raison que je ne les citais pas dans le sermon. Or citer les gouvernants durant le prêche est une innovation, qu’aucun prédecesseur ne pratiquait.
On m’accusa aussi d’extrêmisme et de rechercher la difficulté dans la religion, et ce en raison du fait que je me contente - lorsque je réponds aux questions et émets des fatwas - de suivre les avis reconnus du Madhhab [NdT : Ecole de jurisprudence. ] sans en diverger, alors que de leur côté, ils se permettent de le transgresser et émettent des fatwas qui facilitent la vie à la personne concernée et correspond à ses passions, même si c’est un avis marginal dans le madhhab ou dans un autre. Or les Imâms parmi les savants sont contre ce genre de pratique. J’ai d’ailleurs approfondi cela dans l’ouvrage Al Muwâfaqât.
On m’accusa aussi d’être un ennemi des alliés d’Allah [NdT : Awliyâ Allah, saints ou élus. ], en raison du fait que j’ai exprimé mon animosité envers certains pauvres derviches innovateurs qui ont contredit la Sounna, s’auto-proclamant - selon eux - guides des hommes, et j’ai parlé en public de certains comportements de ces gens qui s’affilient aux soufis sans pour autant leur ressembler.
On m’accusa aussi de diverger des Ahl Sounna Wal Djamâ’ah (Les gens de la Sounna et du Groupe), et ces gens se basent sur le fait que le Groupe que le Prophète nous a ordonné de suivre - qui est le Groupe Sauvé - est la masse des musulmans, alors qu’ils n’ont pas compris que le Groupe est la voie du Prophète (صلى الله عليه وسلم), des Compagnons et ceux qui les ont suivis avec perfection. Et cela nous le clarifierons plus tard.
Or ils ont menti sur tous ces points et ont trompé les gens, mais la louange revient à Allah quelle que soit la situation.
J’étais donc dans une situation qui ressemblait à la situation du très connu Imâm Abdurrahmân Ibn Battah Al Hâfidh, avec les gens de son époque lorsqu’il dit :
« Je m’étonnerais toujours des différentes situations que j’ai vécues durant mes voyages et mes haltes, que ce soit avec mes proches ou autres, avec ceux qui me connaissent ou non. En effet, je me suis rendu compte - que ce soit à la Mecque, dans le Khurâsân ou en tout autre endroit - que toute personne que je rencontrais était ou bien une alliée ou une ennemie, qui m’appelaient à suivre ses dires, à croire ses paroles et à témoigner en sa faveur.
Si donc je reconnaissais la véracité de ses dires et lui accordais mon approbation - comme le font les gens aujourd’hui - la personne me considérait comme un allié. Si par contre, je
m’opposais à une seule lettre de son discours ou à un seul de ses actes, elle me considérait comme un ennemi.
Si j’affirmais que le Coran et la Sounna était en contradiction avec une de ses paroles, elle me disait : « Tu es un Khâridjite ! ». Si je lui lisais un hadith parlant du
Tawhîd (Unicité de Dieu), elle me disait : « Tu es un Mushabbih (Antropomorphiste) ! ». Si c’était au sujet de la vision d’Allah (par les croyants au Paradis), elle me
disait : « Tu es un Sâlimî ! ». Si c’était au sujet de la foi (Imâne), elle me disait : « Tu es un Murdjî ! ». Si c’était au sujet des actes, elle me
disait : « Tu es un Qadarî ! ». Si c’était au sujet de la connaissance, elle me disait : "Tu es un Karrâmî ! ». Si c’était au sujet des mérites de Abû Bakr
et ’Umar, elle me disait :« Tu es un Nâsibî ! ». Si c’était au sujet des mérites de la famille du Prophète, elle me disait : « Tu es un Râfidî ! ». Si
je me taisais au sujet de l’explication d’un verset ou d’un hadith en me contentant de répondre par leur sens apparent, elle me disait : « Tu es un Dhâhirî !". Si je répondais
d’une autre façon, elle me disait :« Tu es un Bâtinî !". Si je répondais par un sens métaphorique (Ta’wîl), elle me disait : « Tu es un Ash’arî ! ». Si je
reniais leur sens, elle me disait : « Tu es un Mu’tazilî ! ». Si c’était au sujet des Sounnas de la prière comme la lecture du Coran (après la Fâtihah), elle me
disait : « Tu es un Shâfi’i ! ». Si c’était au sujet de l’invocation du Qunût, elle me disait : « Tu es un Hanafî ! ». Si c’était au sujet du Coran,
elle me disait : « Tu es un Hanbalî ! ». Et si je mentionnais l’avis le plus juste parmi les différentes opinions - car il n’y a pas de complaisance au sujet des règles
religieuses et du hadith - ces personnes me disent : tu as rabaissé leur rang élevé. Et plus étonnant encore est que ces gens - en fonction de ce qu’ils lisent des hadiths du prophète
(صلى الله عليه وسلم) - me cataloguent suivant leurs passions. Et si j’approuve
certains d’entre eux, les autres me considèreront comme ennemi. Et si je me montre complaisant envers eux tous, je provoquerais la colère d’Allah - Béni et Elevé soit Il- or ces gens ne me
seront d’aucun secours auprès d’Allah. Bref, je m’agripperai toujours au Coran et à la Sounna, et je demande pardon à Allah en dehors duquel nul n’est digne d’être adoré, et Il est le
Pardonneur, le Miséricordieux. »
Fin de citation. Et c’est comme si l’Imâm - qu’Allah lui fasse miséricorde - avait parlé au nom de tout un chacun. Car il est très rare de trouver un savant célèbre ou un homme pieux et reconnu sans qu’il n’ait été accusé de ces choses ou de certaines d’entre elles. Car très souvent les passions interviennent dans l’opinion de la personne en désaccord. D’ailleurs la cause principale de la divergence par rapport à la Sounna est sa méconnaissance et la passion débordante que l’on suit jusqu’à accuser celui qui s’efforce de suivre la Sounna de ne pas en faire partie, et de s’acharner sur lui et ses actes jusqu’à l’affilier à ce que nous avons cité.
Il a d’ailleurs été rapporté du chef des adorateurs - après les Compagnons - Uwaïs El Qarnî qu’il a dit : « L’injonction du bien et la réprobation du mal ne laissent aucun ami au croyant. Nous leur enjoignons le bien et les voilà qui insultent notre honneur en s’aidant pour cela d’alliés parmi les pervers, au point où - par Allah - je fus accusé de choses immondes. Mais je jure par Allah que je ne manquerais jamais de clamer la vérité parmi eux. »
Source :
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Extrait de son ouvrage monumental "Al I’tisâm" (traitant de l’innovation religieuse, ses bases, ses subdivisions, ses conséquences, etc...) |
Auteur :
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L’Imâm Shâtibî (qu’Allah lui fasse miséricorde) |
Traduction :
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L’équipe Sounna.com |