L’islamophobie « psycho-sociologique » ou la défense du rapport homme-femme dans le système occidental de domination masculine
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Question d’un lecteur :
“J’apprécie beaucoup vos articles et vos œuvres chez Nawa-editions. Je voudrais savoir ce que vous pensez de la haine des politiques envers l’islam et notamment envers le burkini et le hijab (on en vient toujours aux musulmanes).
Pourquoi selon vous un tel acharnement de la part des hommes politiques et des médias sur l’islam alors que les problèmes économiques sont légion en France ?
Je ne suis pas convaincue des réponses habituelles sur leurs simples islamophobies, on peut être islamophobe et conscient qu’il y a de gros problèmes d’abord à régler, est-ce de la folie ou autre selon vous ?”
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Que les politiques sont des délinquants dans des affaires civiles (trafic d’influence, corruption financière, abus de bien sociaux, délits d’initiés, évasion fiscale, etc…) on le savait déjà.
Mais on remarque, de plus en plus, que ceux qui se drapent des vertus laïques et républicaines anti-musulmanes sont ”dévoilés” lors d’affaires privées: mœurs scabreuses, pédophilie, exhibitionnisme, homosexualité refoulée, sadomasochisme, consommation de stupéfiants et de prostitué(es), procès pour violences conjugales, plaintes pour sexisme, viols ou tentatives… Et nous ne voyons là que la pointe de l’Iceberg.
En réalité, nous pouvons comprendre que leurs hostilités viscérales vis à vis de l’Islam, son éthique et ses valeurs, recouvrent bien souvent des motifs psychologiques très personnels voire complètement intimes. Ainsi on devine très vite à qui profite la liberté sexuelle, l’ultra-libéralisation des mœurs, le déclin des valeurs traditionnelles, la marchandisation du corps et du sexe tant prôné par l’Occident.
Mais ici, c’est une spécificité encore bien franco-française où la parité en politique n’est toujours pas respectée, où la condition des femmes, dans la scène politique, font d’elles des victimes et des proies librement assujetties au sexisme de nos bons et éclairés démocrates.
Mais comme le sexisme est ici d’origine ”laïque et républicaine” faisant partie de la ”bonne culture française”, inutile de le dénoncer. Blagues graveleuses, comportements libidineux et gestes licencieux sont du terroir et donc ”modernes et progressistes”. Les françaises en politique (et ailleurs) doivent apprendre à en rire avec humour pour le plus grand plaisir de certains.
Cela alors que les mauvaises langues décrivent l’Islam comme machiste ou misogyne, il a le mérite (au moins) de protéger la femme de la féroce cupidité des hommes. Même admettons -un instant- le terme ”machisme”: sont-ils égaux un ”machisme” qui voudrait protéger la femme des hommes et un machisme laïque qui voudrait libérer la femme pour les hommes ? En toute évidence, les intentions sont bien différentes.
Car entre le ”toutes voilées” et le ”toutes dénudées”, il y a une grande nuance que beaucoup de militantes féministes (non musulmanes) avaient déjà touchée du doigt dans leurs interprétations du voile islamique :
Dans le premier cas, qu’on le veuille ou non, la femme garde un certain contrôle sur son corps; car le fait que son corps soit justement évincé du regard des hommes étrangers met, paradoxalement, son corps à égalité avec le corps masculin.
Dans le second cas, elle s’est déjà livrée et exposée. Elle est à la merci de la pression (ne serait-ce que visuelle) masculine : elle lui offre, sans contre partie ni garantie, une possibilité (un droit de regard) qui ne possède pas vraiment (quoique l’on en dise) d’équivalent pour l’homme. Celui-ci obtient un très net ”avantage” sur elle concernant ce droit de regard.
D’ailleurs l’avantage est inversement proportionnel à la ”capacité recouvrante” du vêtement féminin : moins elles sont habillées, plus cela profite aux hommes sans contrainte ni effort.
”Émanciper du point de vue des mœurs”, dévoiler, dénuder et déshabiller la femme la rend encore plus esclave dans sa condition de soumission à l’homme. Dans cette configuration, il est là le véritable sens de la liberté de la femme : que l’homme soit libre d’avoir accès à elle, un maximum, pour un ”effort” très minime.
Petite parenthèse, méditons bien cette règle que je viens d’énoncer, dans notre société ultra libérale et marchande qui parle de coût et d’opportunité chez des individus rationnels voulant maximiser leurs profits ! Car dans nos sociétés, l’obtention d’un droit est soit innée (déterminée par la loi par exemple) soit c’est un avantage particulier que l’on doit acquérir et qui a donc forcément un coût (social ou financier).
Dans le rapport homme-femme qui se prétend égalitaire, notons que l’ultra-libéralisation des codes vestimentaires féminins et de la mode (via le capitalisme de la séduction cher à Clouscart) profite bien évidemment à l’homme et cela gratuitement. Inversement, les évolutions des codes vestimentaires de l’homme ont proportionnellement beaucoup moins évolué en ce sens pour les femmes : les mini-jupes et autres strings ou décolletés n’ont pas d’équivalent masculin.
On comprend alors que ce n’est pas pour rien si la polémique du Burkini a éclaté cet été : la plage est l’endroit, par excellence, où la liberté de regard masculine s’exerce sur le corps de la femme dans toute sa plénitude sans restriction.
Le deux pièces et les formes féminines s’étalent généreusement sans tabou alors qu’elles sont, plus généralement, soustraites au regard des hommes tout au long de l’année. Le burkini est donc aussi une intolérable barrière, une véritable atteinte à ce droit ”naturel” de regard, comme l’ensemble des autres vêtements qui se veulent islamiques (niqab/hijab/jilbab…).
Ainsi on s’aperçoit que cela n’est pas un hasard si c’est une femme historienne qui a remit en place l’interprétation toute masculine de Valls (progressiste et libertarienne) sur la poitrine dénudée de Marianne. Ce qui était de l’ordre d’une allégorie dans le champ de la philosophie avait été transformé en symbole charnel et fantasmé d’une vraie poitrine féminine avec un programme politique implicite appelant à la ”dénudation” (rappelons-nous le gang des Femen : poupées-commandos des libertaires du PS).
Ce n’est donc encore pas un hasard si c’est dans les sociétés anglo-saxonnes (comme la puritaine Amérique qui a judiciarisée les rapports homme-femme [1]) ou scandinaves (dans lesquelles la parité est structurelle [2]) que la tolérance et la liberté vestimentaire accordée aux femmes (toutes les femmes) sont les plus fortes : elles seules sont libres de décider dans l’espace public de ce qu’elles désirent montrer ou couvrir.
Une autre perspective plus historique et philosophique
Rappelons que, de l’Antiquité jusqu’au 19ème siècle, l’esclave était reconnaissable à sa quasi-nudité. C’était celui dont le corps était nu, peu ou pas habillé. Il y avait pour lui impossibilité de préserver sa dignité d’être humain par un vêtement également digne.
Dans nos sociétés occidentales matérialistes, on nous a fait croire, inconsciemment par le pouvoir de l’image, que la nudité de l’esclave était liée aux conditions matérielles et pécuniaires de sa vie : pauvreté et misère. Rien n’est plus faux. Le problème est bien plus profond que cela : la nudité du corps ne reflétait pas le dénuement matériel de l’esclave, conception quasi-marxiste, mais bel et bien le dénuement de sa condition juridique première.
L’on ne se souciait peu ou pas de lui ni de sa nudité car son existence, en tant qu’être humain libre et digne, était niée par l’inexistence de ses Droits. Le tout premier de ses droits étant d’être libre de disposer de son propre corps et de le couvrir pour le faire reconnaître comme un être social. La nudité de son corps, et l’absence de vêtement recouvrant ses parties les plus intimes, est donc à relier avec la nudité et la nullité de ses propres droits.
D’ailleurs, à un stade avancé, la nudité de l’esclave n’était plus une nudité réelle car ce dernier était complètement sortie de l’humanité et, effectivement, on ne s’indigne pas de la nudité d’un animal (d’ailleurs, sur ce point, il y aurait beaucoup à dire sur les évolutions du monde occidental où l’on habille ses animaux domestiques : ”J’habille mon chiwawa mais je veux déshabiller certaines femmes”).
Rappelons aussi que, dans le moyen-âge chrétien, les individus étaient souvent déshabillés avant l’application de certaines peines et châtiments. Dénuder le corps c’est donc bien le chosifier et le déshumaniser. Aujourd’hui encore pour torturer, humilier un être humain et lui signifier son état, on le déshabille complètement à la vue de tous. Son corps ne lui appartenant plus, le droit de regard des autres sur lui est à son paroxysme.
Tous ces différents éléments rassemblés montrent, assez distinctement, que le combat actuel contre l’Islam est un combat idéologique et un combat de valeurs bousculant l’ordre entier d’un système inique et hypocrite quand on le mesure bien.
Et l’on comprend bien pourquoi l’éthique musulmane, dans son expression la plus ”banale” (un vêtement), est vue et comprise comme un message politique. Il symbolise chez eux, inconsciemment, une certaine remise en cause du pouvoir ”patriarcal” d’une société laïque où l’homme doit finalement toujours se trouver au sommet de la pyramide (et parmi les hommes, le ”de souche blanche -judéo-chrétienne- non musulman’’ au-dessus de tous les autres…).
En somme, l’ultime consommateur et décideur veut préserver son pouvoir d’achat -moral et physique- dans une société vue comme un immense marché dont le prix des produits doit être le plus bas possible. Et dans un sens le hijab est perçu comme beaucoup trop cher pour l’accepter. La liberté de certaines limite le droit de regard illimité voulu par d’autres : et ils sont donc là le choc et la confrontation réelle qui déchirent et questionnent le camp des dits ”féministes”.
Le combat pour le droit de porter le hijab a donc en réalité, si on y réfléchit bien, des enjeux beaucoup plus importants que le simple droit des musulmans et/ou la tolérance. Or c’est cela qui est extraordinaire : ce morceau de tissu de quelques cm², imposé par le Coran il y a 14 siècles, est suffisant pour remettre en question toutes les bases, toutes les évolutions et toutes les prétentions de la civilisation occidentale dans son rapport homme-femme.
Il est aussi très pertinent de montrer que certaines réactions et certaines pratiques chez une partie des femmes, non musulmanes mais en surpoids, valident dans un sens assez bien notre analyse. Leur corps ne se pliant pas ou peu au canon masculin majoritaire, imposé en Occident, leurs pratiques vestimentaires font qu’elle se recouvrent un peu plus que la moyenne. Elles fréquentent moins les plages et les piscines publiques que les autres. Ne rentrant pas dans cet espace où le droit de regard masculin est seul juge, elles soustraient donc volontairement leur corps du droit de regard des hommes par complexe et par intériorisation de la norme.
Plusieurs études ont parfaitement démontré que l’obésité et le surpoids étaient proportionnellement et socialement plus coûteux pour les femmes que pour les hommes [3]. Ceci prouve, encore une fois, que dans l’espace public, le pouvoir de regard est fondamentalement masculin. C’est lui qui fixe normes et règles non écrites (et qui vote loi/règlement/arrêté quand cela est nécessaire…).
Le vêtement féminin islamique, de part sa simple existence, rejette donc à la base l’ensemble de ce système de domination homme-femme. Il limite le droit de regard masculin qui s’impose sur le corps féminin, il détruit le biais naturel en la défaveur de la femme, il exclut tout dictat issu du regard de l’homme et remet donc à égalité les perceptions.
Une raison psycho-sociale qui, peut-être, expliquerait aussi pourquoi plus de 60% des convertis issus de ce monde occidental, qui a fait du corps de la femme une marchandise, sont des femmes.
Aïssam Aït-Yahya
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[1] http://www.slate.fr/story/38941/france-etats-unis-seuils-tolerance-sexisme
[2] http://www.lexpress.fr/emploi/gestion-carriere/le-pays-ou-les-sexes-sont-presque-egaux_496300.html
[3] http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/08/02/20002-20160802ARTFIG00129-l-obesite-handicape-la-carriere-professionnelle-des-femmes-mais-pas-celle-des-hommes.php
// http://egalites.blogs.liberation.fr/2016/02/17/la-discrimination-par-lapparence-physique/