Les Fondements de l’école Malikite
Par l'Usted Abderrahman Nahik
qu'Allah le préserve !
Au nom d'Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.
La louange tout entière est exclusivement à Allah, Le Seigneur des mondes !
Ô Allah ! Prie sur Muhammad et sur la famille de Muhammad comme Tu as prié sur Ibrahim et sur la famille d'Ibrahim. Tu es certes digne de louange et de glorification !
Ô Allah ! Bénis Muhammad et la famille de Muhammad comme Tu as béni Ibrahim et la famille d'Ibrahim.
Tu es certes digne de louange et de glorification !
• Qu’est-ce qu’un dalil (preuve) dans le madhab Malikite :
Le madhab Malikite est basé sur des fondements bien connus de la religion, ces différents fondements tirent leurs preuves de plusieurs sources. Voici certaines d’entre elles parmi les plus connues :
1) Al Kitab - الكتاب Le Livre c’est-à-dire Le Quran, qui est La Parole d’Allah.
2) La Sunnah - سنة tradition prophétique), qui vient expliquer le Quran.
• Notre Seigneur Le Très-Haut a dit : « Prenez ce que le Messager vous donne ; et ce qu’il vous interdit, abstenez-vous en » (Sourate Al Hashr (59) / verset 7)
• Il dit également : « Quiconque obéit au Messager obéit certainement à Allah » (Sourate An-Nisa (4) / verset 80).
Donc la parole prophétique est l’argument par excellence juste après Le Livre d’Allah, bien entendu, la Sunnah est soumise à des recherches scrupuleuses pour vérifier l’authenticité des différents récits.
En effet les savants du hadith ont accompli un travail de longue haleine afin de purifier la Sunnah de tous récits n’en faisant pas partie.
3) Al Ijma3 - إجماع le consensus des savants de l’islam.
• Allah -exalté- dit dans le verset 115 de la sourate 4 : « Et quiconque fait scission d'avec le Messager, après que le droit chemin lui est apparu et suit un sentier autre que celui des croyants, alors Nous le laisserons comme il s'est détourné, et le brûlerons dans l'Enfer. Et quelle mauvaise destination !»
• Ibn Kathir -qu'Allah lui fasse miséricorde- dit dans son tefsir (2/413) : Ce verset fut utilisé comme preuve par l’imam Shafi’i pour démontrer que le consensus est un argument de poids et qu’il n’est pas permis d’aller à son encontre
• Le Prophète صلى الله عليه وسلمa dit : “Ma communauté ne se rassemble pas sur un égarement” (Rapporté par l’imam At-Tirmidhi/Ibn Hazm dit dans ousoul alahkam (1/540)
: Le sens de ce récit est vrai)
Donc, nous ne pouvons pas avoir un consensus sur une erreur, si tous les savants se sont unis
sur une question, alors, c’est cela le bon sens et la justesse.
4) Al Qiyas – القياس l’analogie ou la déduction qui est le fait de joindre une question jurisprudentielle annexe à une question fondée dans le jugement du fait qu’ils aient la même cause.
Notre bien-aimé Prophète صلى الله عليه وسلمa pratiqué le Qiyas, et nous trouvons également dans le Quran plusieurs exemples illustrant cela.
• Allah nous dit : « Allah a cité comme parabole (comme exemple) un homme appartenant à des associés se querellant à son sujet et un (autre) homme appartenant à un seul homme : sont-ils égaux en exemple ? Louanges à Allah ! Mais la plupart d’entre eux ne savent pas. » (Sourate Az-Zumar (39) / verset 29).
Ici Allah réfute de comparer et de mettre au même niveau une chose fondée qui est l’adoration d’Allah et une chose annexe qui est l’adoration des idoles car les moyens et causes sont différents. Il réfute ici l’analogie des polythéistes dans leur jugement en comparant une base (l’adoration d’Allah exclusivement) à une annexe (l’adoration d’Allah par l’intermédiaire des idoles) car les causes employées sont différentes
• Abou Hourayrah rapporte qu’un homme parmi les arabes est venu auprès du Messager d’Allah صلى الله عليه وسلمen disant : « Certes mon épouse a accouché d’un enfant mat de peau, et j’ai détesté cela (du fait que l’homme n’était pas mat de peau, il a donc douté de la fidélité de sa femme). Le Prophète صلى الله عليه وسلمlui répondît donc : « possèdes-tu des chameaux ? ». L’homme répondît : « oui ». Le Prophète صلى الله عليه
وسلمlui dit : « Et quelles sont leurs couleurs ? ». L’homme dit : « De couleur rousse ». Le Prophète صلى الله عليه وسلمlui demanda : « Y en a-t-il des bruns parmi eux ? ». L’homme rétorqua : « Certes, il y en a des bruns parmi eux ». Le Prophète صلى الله عليه وسلمle questionna donc en disant : « Et comment penses-tu que cela se fasse ? ». L’homme dit : « Ô Messager d’Allah, il a certainement hérité cela d’un ancêtre. » Alors le Prophète
صلى الله عليه وسلمconclut en disant : « Et il se peut que celui-ci (c’est-à-dire l’enfant) hérita de cela (sa couleur) d’un ancêtre également ». (Rapporté par les imams Bukhari et Mouslim)
Nous voyons donc ici qu’il fait preuve d’analogie et appel bien à la déduction, à la réflexion et à la logique.
Il a amené l’homme à se baser sur une chose fondée et sûre qui est la couleur des chameaux pour en déduire le jugement d’une chose annexe qui est la naissance de son fils pour une cause similaire.
• Nous trouvons également, un autre hadith où Abdallah Ibn 3abbas nous rapporte qu’un homme est venu voir le Prophète صلى الله عليه وسلمet lui a dit : « Ô Messager d’Allah, certes ma mère est décédée alors qu’elle avait un mois de jeune à faire ( dans une version : ma sœur a promis d’accomplir le hajj). Est-ce que je dois le rattraper pour elle ? ». Le Prophète صل الله عليه وسلمa répondu : « Oui car, une dette auprès d’Allah est certes plus en droit d’être rattrapée (que les dettes auprès des gens). (Rapporté par Alboukhari).
Nous voyons donc ici que le Prophète صلى الله عليه وسلمcompare les dettes auprès des gens à une dette auprès d’Allah, et que si logiquement, nous devons rembourser nos dettes auprès des gens alors que dire concernant une dette que nous avons auprès de Notre Seigneur !
Il s’est basé sur une chose fondée qui est le remboursement des dettes mondaines pour appliquer le même jugement sur une chose annexe qui est le remboursement des dettes envers Allah car la cause est la même.
5) 3amal Ahl Al Madina – عمل أهل المدينة La pratique des gens de Médine.
L’imam Malik était très assidu concernant le fait de voir ce que les savants de Médine pratiquaient.
Il faut savoir que l’imam Malik a vécu peu de temps après les sahabas (compagnons du Prophète ),صلى الله عليه وسلم son grand-père Abou 3amir faisait partie des gens qui ont lavé le grand compagnon 3uthman Ibn 3affan الله عنهيرض. Ce sont donc des gens qui ont pris la religion de leurs parents, qui eux-mêmes l’ont prise de leurs parents qui l’ont prise des sahabas. Donc l’imam Malik voyait que la religion à Médine était préservée et n’a pas pu être altérée ou modifiée en si peu de temps. Il utilisait, entre autres, comme preuve :
• L’Adhan (appel à la prière), en disant que l’Adhan que l’on entendait à Médine était forcément l’Adhan enseigné par le Prophète صلى الله عليه وسلمà ses compagnons car Médine était le premier état musulman.
C’est là-bas qu’ont vécu le Prophète صلى الله عليه وسلم et la grande majorité des sahabas.
• Il se basait aussi sur la mesure médinoise concernant le Sa3 (unité de mesure ancienne pour mesurer la zakat entre autres) car, de même que pour l’Adhan, les gens avaient hérité cela de leurs parents qui eux-mêmes avaient hérité cela des sahabas.
L’imam Malik -qu'Allah lui fasse miséricorde- accordait une grande importance à la pratique des gens de Médine car c’est l’endroit où descendait la révélation divine en grande partie, les hadiths prouvant le mérite de Médine sont nombreux, c’était aussi la capitale des trois premiers califes bien guidés, la plupart des Compagnons y vivaient avec leurs familles ; et particulièrement pour les choses qui faisaient unanimité ou qui étaient pratiquées abondamment.
6) Al Istislah - ( استصلاحl’intérêt général) ou encore appelé Al Maslaha Al Mursala. Il s’agit de ce qui n’a pas été traité par les textes religieux, autrement dit, nous ne savons pas à partir des textes, si cela est autorisé ou interdit.
Alors qu’à l’inverse, nous savons que l’islam a des objectifs bien précis, comme par exemple, la préservation de 6 choses nécessaires (darourats) voulues par la législation : préserver son dine, sa vie, ses biens, son honneur, sa raison et son affiliation.
Ou encore, l’Islam est venu interdire certaines choses comme le riba (usure, intérêt) qui semble être une bonne chose d’apparence car elle permet à une personne dans le besoin d’acheter une chose qui ne lui est pas accessible en tant normal et permet d’obtenir un gain pour le second. Mais ceci conduit très souvent à une difficulté pour la personne endettée qui peut l’amener à la déprime, à être sous le joug de la personne, ou encore au suicide…
Un autre exemple est le suicide que l’Islam a interdit, alors que d’apparence, une personne pense qu’en se suicidant tous ses problèmes seront résolus, mais en réalité, ceci est faux et après sa mort cela est pire car il a commis en cela un grave péché et l’islam l’interdit.
Pour en revenir à Al Istislah, il y a des choses dont l’Islam ne fait pas mention, des choses qui ne se sont pas produites au temps du Prophète ,صلى الله عليه وسلمles savants s’y penchent et regardent si la chose est conforme à l’intérêt commun ou non, est-ce qu’elle concorde aux 6 choses nécessaires que l’on a vu précédemment (la religion, la vie…), est-ce une chose dont les gens peuvent avoir besoin (hajiyats - )حاجياتou est-ce un complément ou un embellissement (tahsiniyats - … )تحسينيات
7) Al Istihsan - استحسان l’exception à la règle), il s’agit de faire sortir un jugement à partir d’une règle qui est générale en donnant une restriction ou une exception sans avoir de textes claires et explicites sur le sujet, mais plutôt en s’aidant d’autres textes par analogie, les savants comprennent qu’il y a exception à la règle de base. Par exemple :
• Dans Le Quran, Allah nous parle d’Al Wasiya, il s’agit de la personne qui laisse un testament avant de mourir en faisant don des biens qu’elle possède jusqu’à hauteur d’un tiers de ses biens (nous citons cet exemple à titre explicatif, il ne s’agit pas de dire si cette manière de faire -léguer le tiers de ses biens- est recommandée ou non, mais c’est une chose autorisée dans le Coran). Il faut savoir qu’en Islam, lorsqu’une personne meurt, elle ne possède plus ses biens, ses biens reviennent de droit à ses héritiers. Donc, nous voyons ici que l’Islam fait cas d’exception sur celui qui donne en héritage une partie de sa fortune dans son testament alors que la règle de base est que ses biens ne lui appartiennent plus après sa mort.
• Un autre exemple : nous avons ce que l’on appel al Istisna’ – , استصناع il s’agit du moment où l’on demande à un artisan de nous fabriquer un produit en lui donnant un prix alors même que le produit n’existe pas encore, il va donc nous vendre une chose qui n’est pas encore fabriquée. A la base, nous n’avons pas le droit de payer une chose qui n’existe pas encore en islam, mais ici, il est fait cas d’exception pour cette situation car il est pris en compte que l’artisan est capable de fabriquer le produit et que ceci est une réalité.
Les savants font donc preuve de réflexion et de déduction afin de savoir ce qui peut rentrer dans ce cas-là, ils étudient si la règle générale d’une chose est Haram (interdite), Halal (autorisé), Wajib (obligatoire) ; possède un cas d’exception ou non. SI elle en possède une alors ceci est appelé Al Istihsan - .استحسان
8) Sadd Azh-Zhara-i3 – سد الذرائع la restriction d’accès : Il s’agit d’empêcher l’accès aux moyens
qui amènent à une chose interdite en religion.
• Nous avons l’exemple du verset où Allah dit à Adam et Hawa : « N’approchez pas de l’arbre que voici » (Sourate Al Baqara (2) / verset 35).
Nous voyons ici que Notre Seigneur n’a pas dit « Ne mangez pas de l’arbre que voici » mais Il a plutôt dit « N’approchez pas de l’arbre que voici » car le fait de s’approcher d’une chose interdite est un moyen qui peut pousser à commettre la faute. Donc Il a stoppé ici, la chose à la base, le mal a été coupé à sa racine.
• De même, Abou 3abdallah An-Nu3man Ibn Bashir a dit : J’ai entendu l’Envoyé d’Allah dire : « Les choses licites sont claires et les choses illicites sont claires. Entre les deux, il y a des choses équivoques (ambiguës) que beaucoup de gens ignorent. Ainsi quiconque se met à l’abri des choses équivoques, préserve sa religion et son honneur. Et quiconque s’est laissé tomber dans les choses équivoques tombera dans les choses illicites, comme le berger qui fait paître son troupeau autour d’un domaine réservé, risquant à tout moment de l’empiéter. Or, n’est-ce pas que chaque souverain a un domaine réservé ? N’est-ce pas que, certes, le domaine réservé d’Allah est l’ensemble de Ses interdits ». (Rapporté par les imams Bukhari et Mouslim).
Donc, à la base, tout ce qui existe sur terre est permise sauf lorsqu’il y a une interdiction faisant exception.
• Prenons aussi l’exemple de l’alcool. Il faut savoir qu’au début de l’Islam aucune interdiction n’avait été descendue concernant l’alcool. Notre Seigneur n’avait pas interdit l’alcool aux croyants, ni même ordonné ou permis d’en consommer, et pourtant les musulmans, en partant du principe que tout ce qui est sur la terre est autorisé (sauf ce qu’Allah ou Son Prophète ont interdit), consommaient l’alcool. Puis vînt plus tard l’interdiction claire de la consommation de l’alcool.
Al Istishab – ,استصحاب الياءة الأصليةest donc un fondement très important car il arrive parfois que nous nous trouvons face à une chose qui n’est mentionnée dans aucun texte en matière de licite ou d’illicite. Les savants, à partir de ce fondement, en déduisent donc que si elle fait partie des choses mondaines, cela est licite. Et la louange tout entière appartient à Allah !
• Conclusion :
Après avoir pris connaissance de ces différents points, nous constatons que les fondements du madhab Malikite sont basés sur des preuves solides. La preuve n’est pas seulement La Parole d’Allah ou celle de Son Messager, mais les preuves sont nombreuses et la liste ici n’est pas exhaustive.
Chacune de ses différentes preuves est basée sur des arguments solides. Nos pieux prédécesseurs ont posé les bases de la religion, le socle de l’islam grâce à Allah, et c’est à partir de leurs ouvrages que nous apprenons notre religion. Cependant, les savants actuels sont les héritiers et transmetteurs de cette science. Ce sont également eux, qui, à partir des fondements et bases de la religion, émettent des avis sur les choses nouvelles qui apparaissent à notre époque.
N.B. : Les versets de Notre Seigneur sont traduits selon le sens rapproché, de même pour les hadiths
ainsi que les paroles de nos savants.
Et ALLAH est Le Plus Savant !