Question : Salam alikoum quel est l’avis de l’école malikite concernant la hijra ?
Réponse :
عليكم سلام و رحمة الله و بركاته
Il faut tenir compte du fait que les malikites n’ont pas forcément un avis sur toutes les questions jurisprudentielles (comme n’importe quel madhab) et que lorsqu’il n’y a pas un avis clair apparent alors les juristes malikites eux-mêmes vont puiser dans les autres écoles tels que les hanafites et les shafiites comme il est bien connu pour toute personne versée dans le fiqh malikite.
C’est pourquoi il n’y a pas de mal s’il y a une utilité à cela à mentionner des avis de savants qui ne sont pas de l’école sur des questions qui n’ont pas été traitées en détail par les juristes de l’école.
En ce qui concerne la hijra ce qui ressort le plus dans les livres malikites est l’avis que rapporte Ibn lqassim de l’imam Malik رحمه الله : Il n’est pas permis de rester dans une terre où les prédécesseurs sont insultés....
قَال ابْنُ الْقَاسِمِ : سَمِعْتُ مَالِكًا يَقُول : لاَ يَحِل لأَِحَدٍ أَنْ يُقِيمَ بِبَلَدٍ يُسَبُّ فِيهِ السَّلَفُ.
Cependant cet avis a son contexte et son époque.
Il est force de constater que les prédécesseurs aujourd’hui sont insultés même dans les pays musulmans.
Il faut aussi apprendre à définir ce qu’est un pays musulman.
L’avis malikite et celui de la majorité des écoles (sauf shafiites) est que la terre musulmane est celle qui est gouvernée à 100% par les lois de l’Islam et même si la majorité des habitants ne sont pas musulmans; ce qui est plutôt rare aujourd’hui.
Tout le monde est au courant que les sentences religieuses ne sont plus appliquées dans les pays du Maghreb (entre autres) depuis des décennies.
Certains limitent la terre musulmane à un endroit où l’on entend l’adhan et pourtant même si l’adhan est une base cela n’est pas un tout et aucune école ne parle de faire la hijra dans un pays parce qu’on y entend l’adhan. Surtout qu’il y a des pays non-musulmans où l’on entend l’adhan dehors et même dans certaines villes en France.
Si le but de la hijra est de vivre avec une majorité musulmane alors il est force de constater que certaines villes en France ont une majorité musulmane et que parfois il est plus aisé de pratiquer dans ces villes que dans certains pays dits musulmans.
On peut également avoir des pays qui sont peuplés que par des musulmans mais qui ne sont pas considérés comme tels car ils sont gouvernés par d’autres lois comme cela fut le cas au Sham à l’époque des tatars et pendant les colonies.
Voilà j’espère que vous comprendrez que le sujet de la hijra est un sujet très délicat et qui est plus à traiter au cas par cas et qu’on ne peut pas appliquer à plus de 5 millions (certains disent 10 ou 15) de musulmans vivant en France.
Quel pays va les accueillir ?!
Quand le Prophète ﷺ s’est désavoué des musulmans qui restaient à la Mecque et n’émigraient pas à Medine, le contexte n’était pas du tout le même.
Ils avaient une terre régie par les lois de l’Islam. Ils étaient accueillis sans visas renouvelables. Les ansars partageaient leurs biens et leurs maisons avec eux. Ils étaient pris en charge et avaient un endroit où se nourrir et dormir à la Soffa, ect... Alors qu’à la Mecque ils étaient torturés et persécutés et ne pouvaient pas accomplir leurs obligations religieuses et même pas prier librement.
Donc effectivement dans ce contexte là le Prophète ﷺ s’est désavoué de toute personne qui préfère rester vivre avec les polythéistes alors qu’ils ne peuvent pas adorer Allah et qu’en même temps ils ont une terre accessible où ils sont accueillis et peuvent adorer Allah librement.
Le contexte est donc bien différent de celui que l’on vit aujourd’hui.
Quand beaucoup de palestiniens et de syriens ont du émigrer et chercher une terre d’accueil, quasiment personne n’a voulu les accueillir, ni parmi les pays dits musulmans et ni parmi les autres.
Comment pensez-vous qu’on puisse demander aujourd’hui à plus de 5 millions de musulmans en France d’émigrer en même temps ?! et ils vont aller où ?!
Beaucoup sont convertis et n’ont pas d’autre pays que la France.
Beaucoup sont démunis et incapables de se refaire une situation dans leur pays d’origine.
Beaucoup sont plus persécutés dans leur pays d’origine pour leur pratique religieuse qu’en France.
Donc voilà beaucoup de questions qui font qu’on ne peut pas traiter le sujet de la hijra aujourd’hui en disant de manière simpliste : obligatoire ou pas obligatoire... mais c’est plutôt à chacun de faire un effort de sincérité envers Son Créateur et de réfléchir à l’endroit où il pourra pratiquer au mieux sa religion sans pour autant mettre sa famille en danger permanent et se retrouver à faire la mendicité ou dans la clandestinité.
Il y a des questions où même Omar Ibn lKhattab ne se prononçait pas et rassemblait pour cela les plus éminents savants parmi les Compagnons, mais aujourd’hui il est force de constater que la plupart des gens qui s’éparpillent sur ce sujet n’ont pas le bagage scientifique pour et sortent les fatwas de leur contexte.
Qu’Allah nous accorde à tous la clairvoyance et soit satisfait de nos oeuvres.
Cheikh Abderrahman an nahik