Le terme : émigration (Hijra) revêt plusieurs significations et sens (8) :
1. L’émigration des Compagnons de La Mecque vers l’Abyssinie :
En effet, lorsque les polythéistes mecquois causèrent trop de tort aux musulmans, le Messager d’Allah () autorisa certains d’entre eux à émigrer et partir
en Abyssinie où régnait le Négus. Cette émigration eut lieu 5 années après le début de la Révélation. [Al Bayhaqî rapporte cette parole]
2. La seconde émigration de La Mecque à Médine :
Cette émigration eut lieu 13 années après le début de la Révélation. Elle fut une obligation pour tout musulman résidant à La Mecque. Les musulmans devaient
émigrer vers le Prophète (), en direction du lieu où celui-ci avait décidé d’émigrer.
Certains savants ont même été jusqu’à rendre obligatoire, de manière absolue, la destination de l’émigration, à savoir de La Mecque à Médine. Mais ceci ne
doit pas être considéré ainsi. Il n’y a pas de spécificité propre concernant Médine. En fait, à ce moment-là, l’obligation résidait surtout et avant tout dans le fait d’émigrer vers le Messager
d’Allah ().
Ensuite, Ibn al ‘Arabî al Malikî a dit :
« Les savants ont divisé en deux les déplacements à la surface de la Terre :
A. Par fuite de … (Haraban).
B. En quête de … (Talaban).
Le premier cas se subdivise en 6 sous-parties et le second cas en 9 sous parties.
En ce qui concerne le premier cas : 6 causes de déplacement.
A. Par fuite de … (Haraban).
1. Quitter une terre où règne la guerre pour une autre où règne la paix.
2. Quitter une terre où prévaut l’innovation pour une autre où prévaut la Tradition.
A ce sujet, Ibn al Qâsim rapporte : J’ai entendu l’imam Mâlik dire : « Il n’est pas
permis à quiconque de résider dans une terre où l’on insulte et dénigre les pieux
prédécesseurs (as-Salaf). »
3. Quitter une terre où prédomine l’illicite (Harâm) pour une autre où prédomine le licite (Halâl).
En effet, la recherche du licite est une obligation individuelle qui incombe à chaque musulman.
4. Quitter une terre où l’on craint pour son intégrité physique.
Ceci est une faveur d’Allah () qu’Il a permise. Dès lors où on l’on craint pour soi-même d’être dans un lieu où on ne sent plus en sécurité alors Allah ()
a autorisé qu’on puisse le quitter. En effet, fuir ce lieu hostile permet de se prémunir [et de ne pas subir] certaines conséquences qui pourraient être néfastes.
Le premier à avoir accompli cela fut Ibrâhîm () lorsqu’il craignit le mal de son peuple. Allah () dit à ce sujet : {Certes, j’émigre vers mon Seigneur}[1] et concernant Moussâ (), Il a dit : {Il sortit de la cité, apeuré, en
épiant}.
5. Quitter une terre insalubre par peur d’attraper une maladie pour une terre salubre.[2]
En son temps, le Prophète () autorisa les personnes qui furent atteints d’ulcères à se rendre dans les prairies médinoises et de quitter la ville du fait
de son insalubrité.
6. Quitter une terre par crainte de se faire spolier ses biens.
En effet, tout comme le sang et l’honneur du musulman sont sacrés, ses biens le sont aussi. Ils doivent donc être préservés.
En ce qui concerne le second cas : 10 causes de déplacement.
B. En quête de … (Talaban).
1. Rechercher la vie spirituelle (Dîn).
Celle-ci se divise en 9 sous parties :
a. Voyager pour tirer leçon :
Allah () dit à ce sujet : {N’ont-ils pas parcouru la Terre et vu quelle fut la fin de ceux qui les avaient
précédés.}. Notamment, Dhul Qarnayn qui a parcouru tant de contrées d’Est en Ouest et du Nord au Sud afin de découvrir les merveilles de cette Terre.
b. Voyager pour accomplir le pèlerinage (Hajj).
c. Voyager pour combattre dans la voie d’Allah.
d. Voyager pour subvenir à ses besoins.
e. Voyager pour commercer et faire fructifier ses avoirs et ses biens :
Ceci est permis. Allah () dit : {Nul grief sur vous si vous partez à la recherche de quelques faveurs de votre Seigneur
[par la pratique du négoce].}
f. Voyager pour étudier et apprendre la science [religieuse ou profane].
g. Voyager pour se rendre dans un des trois lieux saints de l’islam :
Le Prophète () a dit : « Faites vos bagages uniquement pour une des trois mosquées [La mosquée Sacrée (La Mecque),
la mosquée Prophétique (Médine) et la mosquée Lointaine (Jérusalem)}. »
h. Voyager aux confins [des territoires du pays] pour monter la garde et protéger les frontières.
i. Voyager pour visiter en Allah ses frères de religion :
Le Messager d’Allah () a dit : « Un homme partit rendre visite à un de ses frères qui habitait dans un autre village. Allah () lui envoya alors
un ange sur son chemin. Lorsque l’ange rencontra cet homme, il lui demanda : Où vas-tu ? L’homme répondit : Je vais rendre visite à un de mes frères dans ce village. Vas-tu
rechercher une quelconque faveur auprès de lui ?, questionna l’ange. Non, répliqua l’homme. Tout simplement, je l’aime en Allah () [alors je lui rends visite]. L’ange lui dit alors : Sache que je suis un messager d’Allah envoyé vers toi afin de t’annoncer qu’Allah t’aime de la même manière dont tu aimes ton frère en
Allah. » (Mouslim).
2. Rechercher la vie mondaine (Dounyâ).
[Celle-ci correspond à la recherche de cette vie d’ici-bas et ce qu’elle contient comme bienfaits matériels.]
3. L’émigration des tribus vers le Messager d’Allah () pour apprendre les préceptes de la
religion :
Après avoir appris auprès du prophète (), les tribus sont revenues chez elles et ont enseigné et transmis à leur peuple leurs nouvelles
connaissances.
4. L’émigration des convertis de La Mecque :
Ils sont partis [faire allégeance] au Prophète () puis sont retournés auprès de leur peuple.
5. L’émigration d’un pays mécréant vers un pays musulman :
Il n’est pas permis [sans raison valable] à un musulman de résider dans un pays non musulman. Al Mâwardî a dit : « S’il y vit déjà ainsi que les gens de sa famille et qu’il peut rendre manifeste sa religion alors l’émigration ne lui incombe pas. En effet, cela signifierait que le pays dans
lequel il vit serait en fait une terre musulmane [et une demeure de l’islam.]. »
6. L’émigration du musulman vis-à-vis de son coreligionnaire :
Il est permis [légitimement] d’émigrer de son frère durant trois jours mais pas plus. Au-delà de cette durée, cela est interdit excepté en cas de
nécessité.[3]
7. L’émigration du mari vis-à-vis de sa femme :
Cette émigration n’est justifiée qu’après la confirmation de leur insubordination. Allah () dit : {… émigrez-les du lit
conjugal …}. On déduit de cela l’autorisation d’émigrer [de manière générale] des gens désobéissants, en parole et en acte, en présence et en lieu.
8. L’émigration de tout ce qu’Allah a interdit :
C’est l’émigration la plus générale et la plus globale. Le Messager d’Allah a dit : « L’émigré est celui qui
délaisse les interdits d’Allah. » (Boukhârî).
Et Allah est plus savant. »
Fin de citation.
Source : - Charh Sahîh Muslim, de l’imam An-Nawawî.
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[1] Note du Traducteur : Par ailleurs, il est très intéressant de noter la subtile relation
entre l’émigration et la réalisation de l’unicité. Pour plus de détail à ce sujet, voir : Hâchiyat Kitâb at-Tawhîd d’Ibn al Qâsim (Chapitre 3 : Celui qui réalise l’unicité entrera
au Paradis sans jugement / Explication du verset n°120 de la sourate : 16)
[2] Note du Traducteur : Bien évidemment, à ne pas confondre avec l’interdiction de quitter ou
de rejoindre une terre où il y a une maladie contagieuse (peste, choléra, etc.) afin que l’épidémie ne se transforme pas en pandémie.
[3] Note du traducteur : L’histoire de l’émigration du Messager d’Alah et de ses Compagnons de
Ka’b ibn Mâlik et de ses deux compagnons (Murâra ibn Rabî’a et Hilâl ibn Umayya) durant 50 jours suite à leur défection à la bataille de Tabouk est bien connue comme Allah nous l’a racontée dans
la sourate : At-Tawba.
traducteur : abu ilyés