Introduction
Aujourd’hui, certains discours cherchent à réécrire l’histoire de l’Islam, affirmant qu’il aurait institutionnalisé l’esclavage ou qu’il en serait encore l’héritier. Ces affirmations ignorent le contexte historique et la progression morale introduite par la religion musulmane.
L’esclavage a été une réalité universelle à travers l’histoire humaine : de l’Égypte antique à la Mésopotamie, de la Grèce à Rome, et jusqu’à l’Arabie préislamique, des millions de personnes ont vécu en servitude. Même aujourd’hui, des formes modernes de servitude persistent, incluant le travail forcé, les mariages contraints et la traite humaine. Selon l’Organisation internationale du travail, 49,6 millions de personnes sont actuellement privées de liberté, dont 27,6 millions en travail forcé et 22 millions dans des mariages forcés (ilo.org).
Face à ces réalités, l’Islam est apparu dans un contexte où l’esclavage était profondément enraciné, et où le simple appel à l’abolition aurait été inefficace et destructeur pour la propagation de la religion.
Ainsi, Allah, Seigneur Suprême, a désigné le Prophète comme modèle et l’islam comme cadre législatif, afin d’instaurer une dynamique de progrès éthique et social : en garantissant des droits aux esclaves, en favorisant leur affranchissement, et en élevant cet acte au rang d’expiation des fautes et de haute récompense spirituelle.
Plusieurs questions reviennent régulièrement : l’Islam autorise-t-il l’esclavage ? Comment traite-t-il les captives de guerre ? Peut-on posséder un esclave aujourd’hui ? Quels sont les droits des esclaves ? Ces interrogations seront examinées tout au long de cet article afin de démontrer que l’Islam a construit un chemin progressif vers la liberté, la dignité et la justice humaine.
L’esclavage avant l’Islam : un phénomène universel
Avant l’Islam, l’esclavage était non seulement accepté, mais considéré comme une institution normale et universelle. En Mésopotamie, les codes de Hammurabi régissaient la vie des esclaves, qui pouvaient être vendus, punis ou dépouillés de leurs biens. En Égypte, ils travaillaient dans les champs, les mines et les temples. En Arabie préislamique, les esclaves étaient principalement des captifs de guerre ou des personnes achetées, vivant sans aucune protection légale (Ibn Hishâm, Sirah Nabawiyyah).
En Occident, en Grèce antique, Aristote considérait l’esclavage comme « naturel » pour certains hommes (Politique, Livre I). À Rome, les esclaves représentaient entre 10 et 20 % de la population totale, soit environ 5 à 10 millions de personnes, et dans la ville elle-même, cette proportion pouvait atteindre 40 % (britishmuseum.org). Ces chiffres montrent que l’esclavage était une norme mondiale, profondément ancrée dans les sociétés.
L’Islam face à l’esclavage : humanisation et transformation
L’Islam n’est pas venu abolir brutalement une institution centrale, car un tel changement aurait été inefficace et aurait pu compromettre la propagation du message divin. Au contraire, la sagesse divine a privilégié une transformation progressive, donnant aux esclaves des droits sans précédent et humanisant leur condition.
Le Prophète ﷺ a enseigné : « Vos esclaves sont vos frères. Donnez-leur à manger ce que vous mangez et à les vêtir ce que vous portez, et ne leur imposez pas de charge supérieure à leur capacité. S’ils ont besoin d’aide, aidez-les » (Alboukhari #6050, Abou Dharr رضي الله عنه).
Si un esclave subissait des sévices corporels, il devait être affranchi immédiatement. Les esclaves mangeaient la même nourriture que leurs maîtres, portaient des vêtements similaires, dormaient dans des conditions comparables et bénéficiaient d’un temps de repos suffisant. Beaucoup d’esclaves en Islam vivaient mieux que de nombreux employés modernes.
Les captifs de guerre
La guerre entraîne des conséquences humaines tragiques, et les captifs de guerre figurent parmi les plus vulnérables. Dans de nombreuses sociétés préislamiques, ces individus subissaient torture, humiliation et asservissement total. L’Islam a choisi une approche profondément humaine et progressive, garantissant dignité et protection.
Les captifs pouvaient contribuer à la société, découvrir la grandeur de l’Islam de l’intérieur, et nombre d’entre eux finissaient par se convertir volontairement, devenant des membres respectés et dévoués de la communauté. L’Islam considérait ces personnes non comme des biens, mais comme des individus dont le traitement devait refléter justice et morale.
Tout lien humain avec ces captives devait respecter justice, dignité et protection. Les relations conjugales n’étaient permises que dans le cadre légal, souvent après affranchissement ou avec des dispositions assurant leur sécurité et leur dignité. Le principe moral est clair : la conquête ne confère aucun droit de violer la conscience ou la valeur humaine.
Philosophiquement, cela reflète un principe intemporel : la force ne doit jamais remplacer la justice, et la puissance militaire ne peut légitimer la violation de l’âme humaine. L’Islam a créé un système où la puissance se mue en vertu et où le droit de conquête devient une obligation morale, transformant les captives en indicateurs de justice et de moralité.
Hadiths et enseignements sur le traitement des esclaves
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« Celui qui accuse son esclave de ce dont il est innocent sera fouetté le Jour du Jugement » (Alboukhari #6858, Abou Horayra رضي الله عنه).
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« Celui qui frappe son esclave pour une faute qu’il n’a pas commise doit l’affranchir » (Moslim #1657, Ibn Omar رضي الله عنه).
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Abderrahman bn Awf رضي الله عنه, bien que riche, marchait avec ses esclaves sans distinction, s’habillant comme eux.
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Salman رضي الله عنه pétrissait le pain lui-même plutôt que de surcharger ses serviteurs.
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Aïcha رضي الله عنها priait derrière son esclave, démontrant leur dignité et égalité devant Allah.
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La Zakat inclut la libération des esclaves (Sourate 9:60).
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« Quiconque affranchit un esclave, Allah libérera pour chacun de ses membres un membre de l’Enfer » (Alboukhari #6715, Moslim #1509).
Annawawi رحمه الله souligne que ces hadiths montrent le mérite spirituel exceptionnel de l’affranchissement, considéré comme l’une des meilleures actions.
L’évolution après le Prophète ﷺ : des califats à l’abolition
Après la disparition du Messager d’Allah ﷺ, les califes bien guidés poursuivirent son œuvre en encadrant strictement l’esclavage selon des règles morales et juridiques précises. Sous leur autorité, le monde musulman entra dans une ère où le sort des esclaves fut profondément transformé.
🌿 Les califes bien guidés (al-Khulafâ’ ar-Râshidûn)
Leur statut fut défini avec rigueur : il ne pouvait provenir que de captifs légitimes de guerre, jamais d’enlèvements ni de commerce forcé. Les califes et juristes de toutes les écoles interdirent toute forme d’exploitation contraire à la dignité humaine.
Sous Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân et ‘Alî رضي الله عنهم, les captifs de guerre étaient traités avec équité et compassion. Les califes eux-mêmes affranchissaient leurs esclaves, rappelant que « vos esclaves sont vos frères ».
Le calife ‘Umar ibn al-Khattâb interdisait de séparer les familles d’esclaves et punissait sévèrement toute maltraitance. Sous ‘Alî ibn Abî Tâlib, les esclaves avaient même le droit de déposer plainte contre leurs maîtres, et plusieurs affranchissements furent prononcés par voie judiciaire.
Les institutions religieuses encouragèrent activement l’affranchissement à travers :
Les fondations pieuses (awqâf), destinées à racheter et libérer les esclaves.
Les contrats de rachat (kitâba), permettant à l’esclave de se libérer par son travail.
Les affranchissements différés (mudabbar), stipulés dans les testaments des maîtres pieux.
Ces pratiques firent de la libération progressive une réalité concrète au sein de la société islamique. Dans les grandes cités — Bagdad, Cordoue, Le Caire, Damas — il n’était pas rare que d’anciens esclaves deviennent savants, juges, enseignants ou administrateurs. Certains atteignirent les plus hautes fonctions de l’État.
Cette ascension témoigne d’une vérité profonde : dans la civilisation islamique, la valeur d’un homme ne dépendait ni de sa naissance ni de sa couleur, mais de sa piété et de son savoir.
🏛️ Les dynasties omeyyade et abbasside : entre continuité et contradictions
Avec l’expansion du monde musulman, la complexité sociale augmenta. Sous les Omeyyades (661-750) et les Abbassides (750-1258), les besoins économiques et militaires entraînèrent parfois des abus, notamment dans les régions nouvellement conquises.
Certains dirigeants ou administrateurs détournèrent le cadre moral fixé par la révélation. Mais les grands savants — tels que al-Hasan al-Basrî ou al-Awzâ‘î — élevèrent la voix pour rappeler que la piété et non la puissance faisait la dignité d’un être humain.
Sous les Abbassides, l’institution prit une dimension plus complexe : des esclaves-soldats (mamlûks), des serviteurs de cour, mais aussi des administrateurs lettrés et des enseignants. Beaucoup d’entre eux furent affranchis et intégrés dans la société, devenant même des acteurs du pouvoir. Les Mamlouks d’Égypte, anciens esclaves devenus souverains, incarnèrent ce paradoxe : ils furent les défenseurs de l’islam contre les Croisés et les Mongols, tout en restant attachés à l’idée que le savoir et la loyauté primaient sur la naissance.
Ainsi, même si l’institution subsistait, l’esprit d’élévation morale demeurait vivant : l’islam ne valorisait pas l’esclavage, il valorisait la libération.
🕌 Les empires postérieurs et l’époque ottomane
Sous les Fatimides, Almoravides, Seldjoukides, puis Ottomans, l’esclavage devint une réalité administrative davantage que sociale. Les tribunaux islamiques réglementaient son exercice, protégeaient les droits des esclaves et validaient les affranchissements.
Les Ottomans (1299-1924) furent les derniers à maintenir un système hérité du monde médiéval. Mais plusieurs sultans et ulémas entreprirent de restreindre les abus et d’enclencher la fin du commerce d’êtres humains :
En 1847, le sultan Mahmoud II interdit le commerce d’esclaves africains.
En 1909, le sultan Abdul Hamid II abolit le trafic d’esclaves blancs.
Les juristes ottomans soulignaient que l’esprit de l’islam interdisait désormais toute possession d’autrui, car la finalité de la révélation était la libération.
Ces mesures, bien avant celles de nombreuses puissances occidentales, démontraient que le monde musulman évoluait vers une abolition naturelle et interne, inspirée de la morale coranique.
⚖️ Entre fidélité et dérive
Les abus ou excès constatés dans certaines époques ne furent pas le fruit de la loi islamique, mais le résultat d’un éloignement des principes révélés. Les savants anciens comme contemporains ont toujours rappelé la parole du Prophète ﷺ :
« Celui qui frappe injustement son esclave devra l’affranchir. » (Rapporté par Muslim)
L’islam ne s’est jamais associé à ceux qui pratiquent l’asservissement en dehors du cadre légal ou moral. Au contraire, il s’en désavoue totalement.
🌙 Vers l’abolition : une réforme spirituelle avant d’être politique
L’islam fut précurseur dans la libération de l’homme, posant les bases spirituelles et sociales d’une abolition avant l’heure. Il ne chercha pas à briser brutalement un système enraciné, mais à le transformer de l’intérieur, en éduquant les consciences et en multipliant les portes de libération.
Les récompenses spirituelles liées à l’affranchissement, la multiplication des institutions de rachat, et la valorisation morale des affranchis permirent une transition sans chaos ni effondrement.
Lorsque, plusieurs siècles plus tard, l’Occident abolit officiellement l’esclavage, il ne faisait que rejoindre un idéal déjà inscrit dans la conscience islamique.
Des penseurs occidentaux comme Gustave Le Bon ou Thomas W. Arnold reconnurent que l’islam avait, bien avant l’Europe, conçu une société où la liberté de l’homme valait plus que sa condition.
Ainsi, l’histoire témoigne que l’islam ne fut pas le dernier à abolir, mais le premier à humaniser, transformant une institution cruelle en un instrument de justice, de fraternité et de rédemption.
Quelques compagnons : de l'asservissement des hommes à celui d'Allah
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Bilâl ibn Rabâh, muezzin et symbole de foi et courage, affranchi par Abou Bakr.
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Salman al-Fârisî, ancien esclave perse, devenu stratège militaire.
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Suhayb al-Rûmî, ancien esclave romain, trésorier respecté.
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Ammar ibn Yasir, fils d’anciens esclaves, fidèle compagnon.
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Khabbâb ibn Al-Aratt, ancien esclave et transmetteur de hadiths.
L’Islam a permis aux anciens esclaves d’accéder à des positions de respect et d’autorité, démontrant que la condition initiale d’esclave n’était jamais un obstacle à l’accomplissement moral et social.
Quelques paroles de savants contemporains reconnus tendances confondues :
Cheikh Ibn Bâz : « L’esclavage n’existe plus aujourd’hui dans le sens légitime. Les conditions légales de la guerre ne sont pas réunies, et aucun individu n’a le droit de posséder un autre. Ce qui se pratique aujourd’hui sous couvert de servitude est une injustice, et l’islam la condamne. » (Majmû‘ Fatâwâ Ibn Bâz, vol. 8, p. 382)
Cheikh Muhammad al-‘Uthaymîn :« Si les causes de l’esclavage disparaissent, l’esclavage disparaît. Et ces causes ont disparu. Si quelqu’un prétend asservir un homme à cause de sa pauvreté ou de son statut, il est dans le péché et l’oppression. »
Cheikh Yusuf al-Qaradâwî (Union mondiale des savants musulmans) :« L’islam a initié un processus historique vers l’abolition. Nous vivons aujourd’hui la phase ultime de cette évolution : la libération totale. Il n’existe plus de justification religieuse, ni sociale, ni politique pour l’esclavage. »
Al-Azhar (Égypte) :Dans ses résolutions officielles, notamment lors du Congrès du Caire de 1960, l’institution a déclaré : « L’esclavage, dans toutes ses formes modernes, est contraire à l’islam et aux droits fondamentaux que la charia reconnaît à chaque être humain. »
Cheikh Abdallah Bin Bayyah (Mauritanie, érudit malikite soufi) : « L’esclavage a été une réalité historique, mais la charia a toujours œuvré pour sa disparition. L’esprit de l’islam est l’émancipation. Le maintenir aujourd’hui serait une trahison de cet esprit. »
Cheikh Ahmad Kuftaro (ancien mufti de Syrie) : « Le Prophète ﷺ est venu pour libérer, non pour enchaîner. Dans un monde où la liberté est garantie, aucune justification religieuse ne peut être invoquée pour asservir un être humain. »
Réfutations modernes : 10 questions fréquentes sur l’Islam et l’esclavage
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L’Islam autorise-t-il l’esclavage ? Non, il le régule strictement et encourage l’affranchissement.
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Que deviennent les captives de guerre ? Elles sont traitées avec justice et dignité, avec possibilité d’affranchissement ou de mariage légal.
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Peut-on posséder des esclaves aujourd’hui ? Non, tout esclavage non consenti est interdit.
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Les esclaves ont-ils des droits ? Oui, ils doivent recevoir nourriture, vêtements et repos équivalents, et leur affranchissement est encouragé.
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L’affranchissement est-il recommandé ? Oui, c’est un acte méritoire et expiatoire.
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Les ex-esclaves peuvent-ils devenir des leaders ou des savants ? Oui, l’histoire des compagnons et des premiers savants le montre.
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Comment l’Islam se positionne-t-il face aux abus de certains musulmans ? L’Islam désavoue strictement toute pratique abusive et condamne toute violation des droits des captifs.
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L’Islam distingue-t-il les captifs de guerre et les autres esclaves ? Oui, seuls les prisonniers de guerre pouvaient être pris, toujours avec protection et encadrement légal.
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Les enfants d’esclaves ont-ils des droits ? Oui, ils sont libres, égaux devant la loi et pleinement intégrés à la société.
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L’Occident a-t-il été influencé par l’Islam pour interdire l’esclavage ? Oui, les principes de dignité humaine introduits par l’Islam ont précédé et inspiré indirectement les abolitions occidentales.
Conclusion
L’Islam n’a jamais encouragé l’esclavage comme un droit permanent. Il a tracé un chemin progressif vers la liberté, la dignité et l’égalité, transformant les captifs en membres respectés de la société et offrant des récompenses spirituelles à ceux qui les affranchissaient. Cette sagesse divine, révélée par Allah -عز و جل-, a permis à l’Islam de propager son message tout en respectant les réalités sociales et humaines de l’époque avec l'ultime objectif que les hommes sortent de l'asservissement humain à celui du Créateur des hommes !.
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